Le harcèlement moral

 

Le harcèlement moral a toujours existé en milieu de travail, mais sa définition juridique est récente. Il peut prendre des formes diverses, allant du refus de communication aux menaces, en passant par la "mise au placard", ou des conditions de travail dégradantes. Les conséquences pour les victimes sont des troubles psychosomatiques, voire des dépressions pouvant aller jusqu'au suicide. Le législateur est intervenu en janvier 2002 en introduisant la notion de harcèlement moral dans le Code du travail, et sa répression dans le Code pénal (loi de Modernisation sociale).

 

Diverses formes de harcèlement moral :

 

Une absence de soutien ou de reconnaissance, de la part de la hiérarchie ou des collègues, est un des facteurs aggravants des effets du harcèlement moral au travail.

Différentes études montrent que ces pratiques se sont intensifiées ces dernières années. La situation de l'emploi empêche le plus souvent la victime de fuir la situation en allant travailler ailleurs. La faiblesse des structures de défenses collectives et les pressions à la productivité concourent à exacerber le problème.

 

Le harcèlement moral au travail a été défini comme un ensemble d'agissements répétés "qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".


Il n'y a pas de profil type du harcelé. Contrairement à une opinion répandue, les victimes ne sont pas forcément des personnes fragiles. Selon Marie-France Hirigoyen, "les harcelés sont généralement des "grandes gueules" ou pour le moins des fortes personnalités... La victime, c'est en fait bien souvent celui qui résiste, notamment à ses collègues... mais aussi à son supérieur hiérarchique, ou encore à la pression de ses subordonnés." Homme ou femme, jeune embauché, cadre nouvellement promu ou ancien approchant de la retraite, personne n'est à l'abri d'un harcèlement dans son entreprise.

 

Le harcèlement moral au travail se pratique : entre collègues d'un même niveau hiérarchique, entre supérieur hiérarchique et subordonné, mais également de subordonné à supérieur hiérarchique.

Il arrive également qu'un collectif de travail, qu'un groupe à l'intérieur de l'entreprise, isole un collègue et en fasse son "bouc émissaire".

            Le harcèlement moral peut être la conséquence d'une situation conflictuelle qui s'est dégradée ou une stratégie délibérée pour se débarrasser d'une personne.


Il importe de replacer le harcèlement moral au travail dans son contexte. Si le harcèlement est possible dans l'entreprise, c'est aussi parce que celle-ci n'a pas su se structurer de telle sorte que celui-ci n'apparaisse pas. Le harceleur est en effet souvent bien intégré dans l'entreprise, où il trouve des justifications à son action. La dégradation des relations de travail qu'il entretient s'appuie souvent sur des dysfonctionnements ou des problèmes d'ordre organisationnel. L'absence de contrepouvoir et d’interface dans l'entreprise joue également un rôle.

 

"Tout commence par une querelle. (...) Quelquefois, même, tout part d'un désaccord inexprimé. Suivent quelques remarques désobligeantes, des piques, (...) des sourires entendus. Très vite, la victime désignée est isolée, acculée à la défensive. (...) On cesse de s'adresser à elle. On lui fait sentir qu'elle n'a plus sa place dans le groupe, qu'on ne veut plus d'elle. Les préjugés surgissent, prennent forme, se développent.(...). On la malmène donc. De plus en plus. Tant et si bien que, finalement, on doit requérir l'arbitrage du service du personnel ou celui d'un délégué d'entreprise. Alors, dans la plupart des cas, les arbitres prennent parti contre le trublion. Il gêne le bon fonctionnement du service, de l'entreprise. (...)Et l'on s'en débarrasse."

 

La protection concerne le salarié qui a subi ou refusé de subir des agissements constitutifs de harcèlement moral, ainsi que celui qui a témoigné de tels agissements ou les a relatés. Sont interdites toute mesure discriminatoire, toute sanction ou tout licenciement prononcé à l'encontre du salarié victime ou témoin. Sont visées les mesures discriminatoires directes ou indirectes concernant le reclassement, le renouvellement du contrat de travail, la rémunération, la formation, l'affectation, la qualification, la classification, la promotion professionnelle, la mutation. Toute rupture du contrat qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit. Tous les salariés bénéficient de cette protection.

 

Tout salarié ayant procédé à des agissements constitutifs de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire. Toute personne, (employeur ou salarié), peut être condamnée pénalement (un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende).

 

L'employeur doit organiser la prévention dans son entreprise. Il a, pour cela, une totale liberté dans le choix des moyens à mettre en oeuvre. Dans les entreprises et les établissements de 20 salariés et plus, les dispositions relatives à l'interdiction de toute pratique de harcèlement moral doivent figurer dans le règlement intérieur. Ces dispositions doivent être affichées sur le lieu de travail. Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut proposer à l'employeur des mesures de prévention. Les délégués du personnel disposent d'un droit d'alerte en cas d'agissements constitutifs de harcèlement moral. Ils peuvent saisir l'employeur qui doit procéder sans délai à une enquête et mettre fin à cette situation. À défaut, le salarié ou le délégué, avec son accord, peut saisir le référé prud'homal. Le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles lorsqu'il constate une altération de l'état de santé physique et mentale du salarié.

 

Les salariés victimes ou témoins de harcèlement moral peuvent intenter une action en justice auprès du conseil de prud'hommes pour faire cesser ces agissements et demander réparation du préjudice subi. Le salarié doit alors établir les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, la personne ainsi poursuivie doit prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ou que ses actes sont justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement. Il appartient néanmoins au juge de former sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instructions qu'il estime utiles.

Toute organisation syndicale représentative dans l'entreprise, avec l'accord écrit du salarié, peut être partie à l’instance engagée devant le conseil de prud'hommes et se porter partie civile devant le juge pénal.

 

 

Textes de référence

Articles L. 1152-1 à L. 1152-4 (principes), L. 1154-1 (charge de la preuve), L.1154-2 (rôle des organisations syndicales), L. 1152-6 (médiation) du Code du travail Article 222-33-2 du Code pénal (sanctions)